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Cameroun: Enquête exigée sur les émeutes de la faim de 2008


L'asbl Cercle belgo-Africain pour la promotion Humaine, en abrégé CEBAPH le disait déjà  l'année dernière, pour commémorer  l'anniversaire de ce qu'on appelle désormais les "émeutes de la faim". Tout avait commencé par des menaces et préavis de grève des transporteurs interurbains, après une énième augmentation du prix du carburant à la pompe, une manifestation politique du Sdf interdite le week-end avant le début effectif de la grève. Des villes qui s'embrasent à partir de Douala, des forces de sécurité rapidement débordées parce que manifestement surprises, Yaoundé qui à son tour gagne la turbulence, le chef de l'Etat qui fait une sortie où il traitera des inconnus d'apprentis sorciers…
La semaine du 25 au 29 février de l'année 2008 fut tout sauf ordinaire au Cameroun, tellement la violence et la rupture des comportements des citoyens contrastèrent avec la traditionnelle apathie des Camerounais. 
Les mauvaises conditions de vie, c'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle dès le samedi 23 février 2008, Douala; et plus tard d'autres villes du sud camerounais ont connu une situation quasi insurrectionnelle. Ce samedi-là en effet, à la suite d'une manifestation avortée du Sdf à Douala, au quartier Dakar et ses environs, des jeunes gens violentés par la police dont la répression provoquera la mort de deux personnes s'en prennent à tout ce qui représente l'ordre établi. Mais les camerounais abattus par les fusils des policiers ont laissé des mécontents. Dès lors, lorsque le lundi 25 février, le mot d'ordre des syndicats de transporteurs qui ont appelé à une grève générale des taxis paralyse une grande partie des transports en commun, de jeunes manifestants trouvent l'opportunité de revenir dans la rue où la circulation s'est fluidifiée. 
Après Limbé, Buea et à Kumba dans le Sud-Ouest notamment, Bamenda dans le Nord-Ouest, Yaoundé, la cité présentée comme le bastion du pouvoir, allait aussi s'embraser. Jusqu'aux portes du palais de l'Unité d'Etoudi où se trouve le président de la République, l'objectif est d'obtenir par la violence ce qu'ils n'ont pu obtenir par la voie des urnes, c'est-à-dire par le fonctionnement normal de la démocratie. Ils n'ont donc pas hésité à jeter dans la rue des bandes de jeunes auxquels se sont mêlés des délinquants attirés par la possibilité de pillages", dit le chef de l'Etat avant d'annoncer que "Tous les moyens légaux dont dispose le Gouvernement seront mis en œuvre pour que force reste à la loi."
Le président de l'asbl CEBAPH accompagné par trois membres de son association iront déposer à la Commission Européenne un mémorandum dans lequel son organisation s'insurge contre le silence des autorités européennes vis-à-vis des jeunes tués par la police camerounaise en février 2008,  
D'après l'asbl CEBAPH, reprenant l'Observatoire National des Droits de l'Homme, on ne saurait limiter la cause de ce qui s'est passé au Cameroun en Février 2008 au simple facteur de la famine. Contrairement aux pays de l'Afrique de l'ouest, au Cameroun, le contexte politique lié à cette période au projet de la modification de la constitution, l'augmentation des prix des produits pétroliers et des denrées de première nécessité, ont largement contribué au soulèvement de la population. L'observatoire juge l'attitude gouvernementale répressive, et en donne pour preuve, le recours systématique des forces de l'ordre aux tirs à balles réelles, voire aux grenades sur les populations désarmées. Ces différentes armes ne sont pas adaptées aux opérations de maintien de l'ordre, contre des personnes qui n'étaient pourtant pas armées.
Répression
Des dizaines d'exécutions sommaires ont été rapportées. Plus significatifs sont les cas de certains manifestants ou des membres de leurs familles qui ont été délibérément ciblés par les forces de l'ordre et exécutés a bout portant. C'est le cas, le 27 Février, a Loum, ou Aya Patrick Lionel, 11 ans, a été tué par balle devant le domicile familial. Il était le fils de Joe la Conscience, un activiste bien connu des Droits de l'homme. A l'identique, le jeudi 28 Février, Jacques Tiwa a été tué par un militaire qui a tiré sur lui a bout portant, sans sommation, alors que la rue était calme; aucun autre passant n'a été inquiété. Jacques Tiwa était un ancien leader estudiantin au début des années 90 qui s'était ensuite exilé en Afrique de l'Ouest pour fuir la répression.
Dans la foulée, il y a eu des arrestations, environ 3 000 personnes arrêtées au sein de la société civile, dont 2 000 dans la région du Littoral, près de 4 00 à l'ouest, soit 213 à Bafoussam, 85 à Bafang, 65 à Dschang, 4 à Bandjoun et 17 à Baham. Ces différentes arrestations ont débuté timidement dès le 25 février 2008, puis ont pris de l'ampleur les 26, 27, 28 et 29 février. Le rapport de l'Ondh souligne alors que les forces de l'ordre ont à ce titre, manqué à leur devoir de porter assistance médicale aux victimes, ainsi que d'informer les familles affligées. Au cours des émeutes de février 2008, cette situation avait amené alors les associations de défense des droits de l'homme, à monter au créneau pour dénoncer les violations des droits de l'homme, prenant le contre-pied du gouvernement notamment au niveau du bilan des émeutes.
Si l'Etat parle de 40 morts, celles-ci avaient estimé le bilan plus lourd, soit à une centaine de personnes tuées. Ces sorties dans les médias internationaux principalement, n'avaient pas du tout été appréciées par le gouvernement. Madeleine Affité, la présidente de l'Ong Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, branche du Littoral, ainsi que de la maison des droits de l'homme du Cameroun, dit avoir plusieurs fois reçu des menaces d'intimidation, son véhicule vandalisé au lendemain des émeutes au mois de mars. Mais elle n'est pas la seule à avoir été intimidé, les journalistes travaillant notamment pour la presse étrangère selon l'observatoire, avaient aussi été menacés.
La qualification des faits et des crimes
Les événements ci-dessus décrits constituent de graves violations des Droits de l'Homme au regard des Conventions ratifiées et signées par le Cameroun qui garantissent les droits Fondamentaux de la personne. Plusieurs dispositions du Pacte Internationale relatif aux droits Civils et Politiques ont été violées. Le Cameroun n'a pas utilise son droit de dérogation a plusieurs disposition du Pacte prévu à l' article 4. Toutes les dispositions du Pacte sont donc applicables aux événements en question.
-De plus le Cameroun a violé de manière massive le Droit à la vie de ses citoyens (Art. 6 du Pacte) lorsque les forces de sécurité ont tué par balle plus d'une centaine de civils a Douala et à Yaoundé.
-Le droit de n'être soumis, ni a la torture, ni aux traitements dégradants (Art. 7 du Pacte) a été également violé de manière massive. Les arrestations et détentions arbitraires documentées constituent quant à elles des violations de l' Article 9 du Pacte.
-Systématique: L'expression systématique se réfère 'au caractère ''organise des actes et a l'improbabilité de leur survenance ait été le fruit d'un hasard ''. Les faits survenus en Février 2008 suggèrent fortement une approche coordonnée entre la gendarmerie, la Gso, et le Gmi dans un effort manifeste de causer le maximum de victimes civiles et surtout parmi les jeunes.
-Populations civiles: Pour que des actes soient qualifiés '' crimes contre l'humanité'', l'attaque doit être orientée vers les populations civiles. Selon les informations en notre possession, les manifestants n'étaient pas armés et arboraient tous des tenues civiles.
-Avec connaissance de l'attaque: La coordination entre les forces de l'ordre a l'œuvre sur le terrain démontre l'assistance apportée par les uns aux autres.
-Conclusions sur les crimes contre l'humanité: Les membres du Gso, du Bir et du Gmi ont traqué les manifestants a travers les villes de Douala et de Yaoundé. En une journée, plus d'une centaine de civils ont trouvé la mort ou ont été gravement blessés. Indépendamment de la légalité de la manifestation, il ne saurait y avoir de justification en droit pour les moyens et méthodes utilises et pour la gravite et l' ampleur des actes de violence commis contre les civils par les forces de sécurité. Ces actes constituent une ''attaque généralisée et systématique contre la population civile en application ou dans la poursuite d'une stratégie ayant pour but de réprimer, au travers de la commission de cette attaque, le mouvement de contestation''. Le crime contre l'humanité est donc ainsi constitué.
Les responsabilités
1. Responsabilités de l'Etat du Cameroun pour la violation des Droits de l'Homme
-L'Etat du Cameroun est responsable des violations commises par ses agents de la police, la gendarmerie, les unités spéciales du Gso et du Bir. Toutes ces unites ont participe de manière coordonnée aux massacres de jeunes désarmés, sur instruction de leur hiérarchie. La participation de ces unités a ces violations est détaillée dans le rapport de l' Ondh joint en annexe.
-La première responsabilité de l'Etat camerounais est celle de protéger ses populations des graves violations des Droits de l'Homme, obligations qui découlent de plusieurs instruments internationaux ratifies par le Cameroun et du Droit International coutumier. Les forces de sécurité camerounaise ont montre qu'elles étaient incapable de protéger leur populations.
-La seconde responsabilité de l'Etat camerounais est de mener sans délai des enquêtes efficaces et de traduire et de traduire en justice les responsables des graves violations perpétrées pendant ces évènements. Ce Droit est garanti par le pacte International relatif aux droits civils et politiques (art.2) et par la Convention contre la torture (art.5). Cette obligation est également reprise dans plusieurs instruments internationaux et est aujourd'hui généralement considérée comme une norme du droit international coutumier. Le gouvernement camerounais est loin de s'acquitter de l'obligation qui lui incombe à ce titre.
-Une troisième obligation se rapporte au ''droit inaliénable de connaitre la vérité'' sur les graves violations des évènements de Février 2008. De manière manifeste, le gouvernement camerounais ne s' est pas acquitte de cette obligation.

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