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Émeutes de février: Joe la Conscience porte un doigt accusateur sur les leaders camerounais


Joe La conscience in Mutations du 10/06/2008. 

Qu`ont fait les politiques de l`opposition, les intellectuels, la société civile, les artistes musiciens et stars du football pour les jeunes condamnés de février ?La révolte populaire de février 2008 que certains observateurs n`hésitent pas de qualifier d`émeutes de la faim, pour rejoindre ce vaste mouvement de contestation populaire qui continue de s`emparer de plusieurs pays en développement a permis au peuple camerounais de se découvrir des velléités de résistance à l`oppression, que personne ne pouvait jusque là imaginer.
Ce soulèvement populaire qu`a mon avis était en plusieurs points dotés de fondements différents de ce qu`on avait jusque là vu ailleurs a tout simplement apporté un démenti ferme de ce discours gouvernemental qui tend à nous dire à la moindre occasion que : "le Cameroun est en paix, le Cameroun est en paix, etc. " Cette rhétorique de la langue de bois, teintée de duplicité politicienne a tout simplement été mise à nue, par la rage, la détermination et la soif d`une jeunesse longtemps sacrifiée, en quête de justice dans un pays où l`injustice, la médiocratie, le favoritisme, la corruption, le clientélisme et la mal gouvernance sont devenus des normes sociales.
Beaucoup de Camerounais savent par exemple aujourd`hui que l`absence de guerre sous la forme de conflit armé, n`est pas synonyme de paix, sinon nos enfants ne seraient jamais descendus dans les rues au mois de février dernier.

Lorsqu`on se rappelle que plusieurs mois avant ces événements que certains qui y ont perdu un être cher, ou se sont retrouvés en prison pourraient qualifier de tristes, pendant que d`autres comme les fonctionnaires camerounais, qui bien que n`ayant pas participé, ont néanmoins bénéficié de retombées non négligeables, pourraient secrètement qualifier d`heureux, même si le gouvernement voudrait relativiser l`impact du soulèvement populaire sur cette réévaluation salariale, que la vie était devenue intenable pour les plus pauvres, ceux là qui ne demandent qu`à manger un bout de pain ou un plat de riz tous les jours, du fait de surenchère exponentielle des prix des denrées de premières nécessités comme : le riz, la farine, le pétrole lampant, l`huile…
Qu`il était devenu pratiquement impossible pour les taximen d`arrondir leurs journées, du fait de la montée galopante du prix des hydrocarbures, sans

oublier le danger permanent que constitue la corruption des hommes en tenue qui se sont pratiquement mués en péages routiers supplémentaires, pour cette tranche du tissu social, et tout cela ajouté à une atmosphère sociopolitique particulièrement tendue par un projet fort contesté de modification de la constitution, par un gouvernement totalement sourd à la voix du peuple, on peut très facilement comprendre que cette situation de paix précaire dans laquelle nous vivions depuis plusieurs années déjà, n`attendait que la moindre occasion, pour nous exploser à la face à la façon d`un boomerang, et c`est cette opportunité qu`a été le mot d`ordre de grève des automobilistes, ce 25 février 2008 car le peuple en avait marre et ne savait plus à quel saint se vouer.
Seulement, trois mois après ces événements qui ont débouché sur l`embastillement en vrac de ce qu`on appelle au Cameroun : " le fer de lance de la nation ", force est de constater que cette jeunesse dont plusieurs profiteurs se revendiquent être le porte-parole est aujourd`hui abandonnée à elle-même, aussi bien par les leaders politiques de l`opposition, ceux de la société civile, les syndicats par qui tout est arrivé, beaucoup plus connus par leur compromission avec le pouvoir, que par les stars du football et de la musique, ainsi que certains intellectuels camerounais.
Comment comprendre et analyser cet abandon, ce mutisme complice, de la part de ceux-là même sur qui la jeunesse a tendance à s`identifier.

a) Le cas des leaders politiques de l`opposition
La réaction de nos leaders politiques est tout simplement à la mesure de leur irresponsabilité, leur cupidité, leur égoïsme et leur duplicité et pour cause : tout en condamnant les Camerounais qui ont profité d`une brèche pour détruire et tuer d`autres camerounais, il est tout à fait difficile de s`expliquer cette attitude de la part des gens qui savent sauter sur la moindre occasion pour faire parler d`eux-mêmes, ou de leur chapelle politique.
Si toutefois l`on peut comprendre ce cynisme venant des gens comme Bello Bouba, Issa Tchiroma, Dakole Daïssala, A.F. Kodock qui n`ont jamais fait mystère de leurs ambitions et qui a plusieurs reprises, n`ont pas hésité à sacrifier les intérêts du peuple camerounais suur l`autel de leurs intérêts ; on s`explique pas que des gens tels : John Fru Ndi, Ndam Njoya, Jean Jacques Ekindi, Ekane Anicet ou même Garga Haman encore considérés jusqu`à très récemment comme les seuls vrais opposants politiques au président Biya et son Rdpc.
Dire que personne de tous ces politiciens n`a songé à engager une action collective ou individuelle médiatisée, auprès du chef de l`Etat, en vue d`obtenir une grâce présidentielle pour les jeunes grévistes est tout simplement sidérant.

Mais à bien y réfléchir, on comprend aisément que pour le Sdf et son leader, il ne faut pas troubler cette prétendue démocratie apaisée, qui apparemment les arrange tous deux : le Rdpc et le parti n°1 de l`opposition, déjà accusé d`être l`instigateur des événements de février. J`en veux pour preuve la molle résistance au projet de modification de la Constitution, opposée par ce parti dans une assemblée nationale, où elle n`aurait jamais dû mettre les pieds afin de ne pas cautionner la forfaiture du dernier braquage électoral
Si pour Jean Jacques Ekindi, on peut comprendre qu`il vient tout juste de retrouver la grande mangeoire, et ne voudrait en aucun cas compromettre ses chances de rentrer dans un futur gouvernement, on ne comprend pas que Anicet Ekane connu pour ses critiques acerbes contre le Rdpc et le président Biya, n`a pas fait de la libération des grévistes son nouveau cheval de bataille.

Si ce n`est un désir d`apparaître comme ce qu`on a appelé à un moment l`opposition constructive, je pense que c`est parce qu`une telle action n`est pas subventionnée, donc dépourvue de gombo. Monsieur Garga Haman qui est très connu pour son combat contre la corruption, peut bénéficier des circonstances atténuantes dans ce tableau, mais il n`en demeure pas moins que son silence est source de doute et peut être considéré comme une volonté de ne pas troubler son gombo à la Conac et ailleurs. Quant à Monsieur Ndam Njoya, la jeunesse camerounaise qui n`est pas dupe a compris sa position mitigée sur le projet de modification de la Constitution, qu`on ne pouvait compter sur lui. Après tout, il reste toujours un homme du sérail, qui pour rien au monde, ne voudrait perdre ses intérêts, au profit de la jeunesse. La preuve : comme ses collègues, il continue à présider aux destinées de l`Udc, près de 20 ans après l`arrivée du multipartisme au Cameroun.

b) Le cas de la société civile
Bien que réputée très amorphe, c`est très étonnant de voir à quel point ceux-là qu`on pouvait à juste titre considérer comme étant les leaders de la vraie société civile camerounaise sont devenus muets comme des carpes. Ont-ils été corrompus pour se taire ? Je ne saurais le dire, toujours est-il que le mutisme des gens comme : Pauline Biyong, Achille Kotto et le sleaders syndicaux est très inquiétant…Cependant, il est très important de souligner le dynamisme, la vitalité et la détermination du Conseil patriotique et populaire pour la jeunesse, dont les leaders ne cessent de s`illustrer depuis ces événements comme de véritables défenseurs de l`intérêt de la jeunesse camerounaise. Batogna, Marcus Mandeki, Mouafo Djontu, Okala Ebode, Linjuom Mbowou et Ngono Alain puisqu`il s`agit d`eux, bien que victimes eux aussi du système répressif qui dirige notre pays, parce que interdits d`université, ne cessent d`aller sur tous les fronts pour défendre cette jeunesse dont ils font partie.

c) Le cas des stars de la musique et du football
Le cas des stars de la musique et du football camerounais fait rire. Pour les premiers, il est facile d`admettre que beaucoup ne comprennent absolument rien à ce qui se passe, bien que deux de leurs confrères soient actuellement emprisonnés. De mon point de vue, cela peut s`expliquer par la présence dans ce groupe social, de beaucoup d`illettrés ou même d`analphabètes qui y seront arrivés tout à fait par hasard ou plutôt par débrouillardise. J`en veux pour preuve les obscénités et le tapage, sans oublier cette litanie de noms qu`ils ne cessent de citer aujourd`hui, et qui ont fini par tuer la musique camerounaise. Par conséquent, ces saltimbanques qui sont plus occupés à mendier le gombo, ignorent tout ou presque du rôle ô combien important des artistes dans la société. Et pour ceux-là mêmes qui en savent quelque chose, ils sont tellement occupés et même préoccupés par les luttes de positionnement à la Cmc.

Dans ces circonstances, on comprend très bien qu`il ne fait pas bon de revendiquer la cause des " casseurs " de peur d`être aussi frappé d`une interdiction de diffusion comme c`est le cas avec Lapiro et Joe la Conscience. Pour les seconds, la différence d`avec les musiciens n`est pas très grande. Soit ils n`ont pas conscience du statut de modèle qu`ils ont aujourd`hui en tant que footballeurs camerounais, soit ils sont tout simplement pédants qui ne savent que venir au pays pendant leurs vacances, pour étaler leurs signes extérieurs de richesse. Rouler en Hummer et autres grosses cylindrées, faroter à tout vent dans les boîtes de nuit et entretenir des fans clubs qu`en fait ne servent qu`à cultiver l`oisiveté et la paresse parmi les jeunes.
Ces stars du football mondial surprennent avec leur silence. Est-ce à dire qu`aucun membre de leurs familles ou de leurs fans clubs n`a été emprisonné ? Certainement, ils ne veulent pas brouiller leurs rapports avec la présidence et le Cerac.

d) Le cas des intellectuels camerounais
Les intellectuels camerounais que je divise en trois catégories constituent à mon avis la partie la plus noire de ce tableau triste.
Premièrement, les avocats qui ont vécu de bout en bout ces parodies de justice qui ont brisé l`avenir des milliers de jeunes citoyens camerounais, doivent avoir honte, pour n`avoir pas jusqu`à ce jour pris leurs responsabilités devant l`histoire afin d`amener le chef de l`Etat à réparer ces injustices par une grâce présidentielle. Beaucoup parmi ces hommes en robe sont en réalité des chasseurs de positionnement, qui ont des connexions " gombotiques " avec les couloirs avec les couloirs du pouvoir dont ils ne sont pas prêts de s`en passer, sans oublier que beaucoup appartiennent aux mêmes chevaleries que certains pontes du régime. Leur comportement est à l`image de notre justice.

Il faut néanmoins saluer le travail de ceux d`entre ces hommes qui se sont battus individuellement et qui continuent de le faire pour délivrer cette jeunesse, malgré l`absence de réaction du bâtonnier de l`Ordes des avocats du Cameroun. Deuxièmement, il y a quelques universitaires camerounais et personnalités qui se distinguent par leur engagement quotidien auprès de la jeunesse : Owona Nguini, Hubert Kamga, Patrice Nganang, Djamen Célestin, Henriette Ekwe, Pius Njawé, Senfo Tokam, Djomo Patrice, Tene Sop, Ateba Eyene, Célestin Monga, Achille Mbembe, etc. qui à l`intérieur comme dans la diaspora ont engagé des actions civiques et patriotiques en vue d`obtenir la libération de la Jeunesse camerounaise embastillée.

Il y a enfin la troisième catégorie constituée d`éminents enseignants en quête de positionnement qui n`a jamais rien dit et nous les comprenons. Tous veulenet être ministre. Alors, il ne faut pas fâcher le faiseur de ministres. C`est étoannt de voir comment tous sont trempés dans un conformisme embaumé du parfum de la pensée unique. Ils croient tromper qui ? Le chef de l`Etat ? Je ne pense pas. La jeunesse ? Encore moins.
Que peu-on dire des gens comme le Dr Messanga Nyamding qui va de radio en radio, de rédaction en rédaction pour défendre l`indéfendable, justifier l`injustifiable. Quels repères la jeunesse qu`on appelle aujourd`hui " casseurs ", " apprentis sorciers " peut-elle tirer du comportement d`un éminent universitaire comme le Pr Maurice Kamto qui hier avait prescrit " L`urgence de la pensée " et qui aujourd`hui se retrouve englué dans "l`urgence de manger " ?
C`est la preuve que les intellectuels camerounais, comme nos leaders politiques et ceux de la société civile, les stars du football et les artistes musiciens de notre pays ont failli. Qu`ils soient donc maudits, tous ceux-là qui pensent que tenir un langage différent de celui du pouvoir est un délit.
Dans son supplice actuel, la jeunesse camerounaise n`aurait pas eu meilleur soutien qu`une pétition appelant à la grâce présidentielle pour les jeunes grévsites de février dernier signée par Richard Bona, Manu Dibango, Sam Mbende, Yannick Noah, Wes Madiko, Rigobert Song, Samuel Eto`o, Pius Njawe, Jean Jacques Ekindi, Ekane Anicet, John Fru Ndi, Ateba Eyene, etc. Mais comme le Cameroun c`est le Cameroun, un pays où tout le monde a démissionné de ses devoirs et responsabilités, le génocide de la jeunesse camerounaise peut continuer tranquillement, dans l`indifférence totale. Puisque pour le moment, il n`y a pas d`élections en vue. On s`en fout.

*Artiste condamné pour avoir protesté contre la modification de la Constitution
Prison de Kondengui
12 mai 2008

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